[Chronique] France-Italie : le coup de boule de Luigi Di Maio
Pour le vice-président du Conseil italien Luigi Di Maio, la France est toujours la métropole de colonies africaines. Le pays d’Emmanuel Macron serait même responsable des décès de migrants en Méditerranée.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 22 janvier 2019 Lecture : 2 minutes.
L’Italie est le poil à gratter de la politique européenne, avec cette coalition présumée « rouge-brune » qui tendrait à démontrer la porosité entre l’extrême droite et l’extrême gauche. En réalité, si la Ligue du Nord de Matteo Salvini assume des racines régionalistes et des relents xénophobes qui fleurent la droite radicale, le Mouvement 5 étoiles est moins un parti de gauche traditionnelle qu’un « attrape-tout » idéologique, magma de populisme antisystème, d’euroscepticisme et de position antimondialiste.
Son dirigeant actuel déplore les arrivées méditerranéennes de migrants auxquelles l’Italie, il est vrai, est confrontée davantage et plus tôt que la plupart des autres pays de l’Union européenne. Ce week-end, Luigi Di Maio tentait tout à la fois de faire pleurer dans les chaumières euro-africaines et de mettre à l’index un coupable françafricain.
Selon Di Maio, c’est en « appauvrissant » des pays toujours colonisés que la France empêcherait les Africains de s’épanouir dans leurs propres pays
Une motivation coloniale ?
D’habitude semblé agacé par les migrants en vie, le vice-président du Conseil italien et ministre du Développement économique s’apitoyait, le 20 décembre, sur le sort des Africains qui échouent « au fond de la Méditerranée ». S’il évoquait moins, cette fois, la prétendue cupidité des clandestins que leur pauvreté factuelle, c’était pour mieux pointer du doigt l’ennemi politique personnel du régime italien actuel : son voisin transalpin Emmanuel Macron, que Di Maio avait déjà qualifié de « président gouvernant contre son peuple ».
Selon le dirigeant du Mouvement 5 étoiles, c’est en « appauvrissant » des pays toujours colonisés que la France empêcherait les Africains de s’épanouir dans leurs propres pays, les condamnant ainsi au funeste destin de migrants. La motivation de l’Hexagone serait tout aussi financière que l’outil de la persistante coercition (néo)coloniale. La motivation : ne pas devenir la « 15e puissance économique mondiale ». L’outil : le « franc des colonies » de « dizaines de pays africains » qui financerait « la dette publique française ».
Que la cuisine de l’Élysée proscrive, pendant quelques temps, les pizzas au camembert…
La France sanctionnée ?
Les propos de Luigi Di Maio font doublement grincer les dents françaises. Primo, la période coloniale est un tabou qu’Emmanuel Macron n’a pas fini de lever, depuis qu’il l’a qualifiée, au printemps 2017, de « crime contre l’humanité ». Secundo, le vice-président du Conseil italien prolonge sa démonstration historico-géopolitique par un appel à l’Union européenne en vue d’une sanction contre la France « et tous les pays qui comme la France appauvrissent l’Afrique ».
La saillie italienne méritait donc une convocation de l’ambassadrice d’Italie en France au ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. Que la cuisine de l’Élysée proscrive, pendant quelques temps, les pizzas au camembert…
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